Quand les start-ups, scale-ups et licornes réinventent les RH : analyse de Pierre Monclos
Date de parution
16/01/2024
D’ici à 2030, les ressources humaines feront face à des défis majeurs : changements technologiques, évolutions démographiques et transformations sociétales. L’intégration de l’intelligence artificielle (IA), l’automatisation des tâches chronophages, la gestion des talents dans un monde numérique, ainsi que l’essor du travail à distance et hybride seront autant de défis à relever. La question cruciale sera de savoir comment concilier ces transformations avec le bien-être des collaborateurs et la préservation de leur santé ? Pour explorer ces enjeux complexes, nous avons échangé avec Pierre Monclos, DRH et spécialiste du digital Learning chez Unow. Coauteur du livre « Quand les start-up, scale-up et licornes réinventent les RH » Pierre Monclos a mené des entretiens approfondis avec 50 DRH et CEO, apportant ainsi des perspectives éclairantes sur ces thématiques.
Comment les entreprises en croissance développent et transforment les pratiques RH ?
Dans un contexte professionnel en mutation, les entreprises en croissance se voient contraintes de redéfinir le rôle des ressources humaines. La modernisation de la fonction RH devient impérative pour s’adapter à un environnement dynamique, où les start-ups et scale-ups façonnent de nouvelles normes. Ces sociétés novatrices font face à la nécessité de dépoussiérer les pratiques RH, poussant les entreprises classiques à adopter des approches agiles et des technologies innovantes pour optimiser la gestion des hommes et stimuler l’innovation organisationnelle.
Start-ups, Scale-ups et Licornes : Définition et vue d'ensemble
Pierre Monclos définit une start-up comme une entreprise récemment lancée, animée par la volonté d’introduire un produit ou un service innovant sur un marché déjà existant, souvent caractérisée par une forte dimension digitale, à l’image d’entreprises emblématiques comme Uber.
L’étape suivante, la scale-up, correspond au moment où la start-up a prouvé la viabilité de son modèle économique. L’objectif principal à ce stade est une croissance rapide, atteignant généralement une échelle où elle commence à générer de manière durable des bénéfices, impliquant souvent des levées de fonds significatives, de l’ordre de plusieurs millions de dollars, et un effectif d’au moins 50 à 100 salariés.
Enfin, le terme « licorne » désigne le sommet de la réussite d’une scale-up, caractérisée par une valorisation d’entreprise atteignant un milliard de dollars, que ce soit en bourse ou dans des fonds d’investissement.
En résumé, une start-up incarne l’élan initial vers l’innovation, tandis que la scale-up représente le passage réussi de la phase de démarrage à une croissance soutenue. L’apogée est atteinte avec la licorne, symbolisant le triomphe financier d’une entreprise.
Responsables RH dans les start-ups : Quelles tâches assument-ils et quel est leur rôle ?
À l’origine, la fonction des ressources humaines (RH) était principalement axée sur l’administration du personnel, notamment en France, où le droit du travail a renforcé cette dimension administrative. Initialement affublée d’une mauvaise image, la fonction RH était culturellement perçue comme opaque, rigide et hiérarchique.
Cependant, un constat émerge : les attentes des salariés ont évolué (en particulier depuis le Covid-19), en grande partie en raison des transformations numériques et des changement sociétaux. Ainsi, les RH se trouvent aujourd’hui à un carrefour stratégique, où la gestion du capital humain revêt une importance cruciale.
Leur rôle a évolué au-delà de l’administration traditionnelle pour devenir un levier stratégique, nécessitant une démarche plus proactive et orientée vers les besoins changeants des collaborateurs. Dans cet environnement dynamique, les responsables RH dans les start-ups jouent un rôle essentiel en adaptant leurs tâches et en redéfinissant leur positionnement pour répondre aux futurs enjeux humains et à l’évolution des attentes des salariés.
Comment les start-ups réorganise les services RH traditionnels ?
Face à l’ampleur considérable de la pénurie de talents et aux défis croissants auxquels les entreprises sont confrontées pour recruter et retenir les meilleurs profils, la reconfiguration des services RH devient impérative. Dans ce contexte, les start-ups et scale-ups émergent comme des pionnières en révolutionnant les processus traditionnels. Leur approche agile, flexible et transparente offre un modèle inspirant et en harmonie avec le marché du travail actuel.
Défis et opportunités pour les entreprises classiques
La réorganisation des services RH pour les entreprises traditionnelles représente un défi majeur à l’ère des start-ups et de l’évolution rapide du monde professionnel. Les causes du malaise actuel, telles que la pénurie de talents et les changements rapides du marché, appellent à une adaptation proactive.
L’intégration de la digitalisation et des technologies émergentes dans les processus RH existants s’avère cruciale pour rester compétitif. Cette transition nécessite une expérience opérationnelle significative pour garantir une mise en œuvre efficace.
Les entreprises classiques doivent s’inspirer des start-ups en identifiant les grands axes de progrès, notamment en matière d’agilité, de flexibilité et de transparence dans la gestion des hommes. Cette réorganisation non seulement permet de répondre aux défis actuels, mais offre également d’énormes opportunités d’amélioration de la performance économique liée au capital humain, façonnant ainsi l’avenir du secteur des ressources humaines.
Les différentes pratiques RH dans les start-up : une source d'inspiration
Dans son livre, Pierre Monclos partage les diverses pratiques RH qu’il a relevées au cours de son étude sur les start-ups, scale-ups et licornes. Examinons à présent deux pistes concrètes pour améliorer le rôle des RH au cours des prochaines années.
Le feedback
Le concept de feedback revêt une dimension particulière dans l’écosystème des start-up, où il est utilisé de manière distinctive. Plus qu’une simple évaluation du travail accompli, le feedback en start-up consiste à guider chacun vers l’amélioration continue. Il est ancré dans la culture agile et itérative propre à la conception de solutions digitales. Dans cet environnement, le feedback représente une opportunité de progrès constante, essentielle pour les entreprises qui doivent évoluer rapidement et atteindre leurs objectifs RH en prenant les meilleures décisions dans un contexte complexe. Cette culture du feedback, souvent inscrite dans l’ADN des start-up, se perpétue grâce à des pratiques telles que les revues 360 (feedback sans tenir compte du niveau hiérarchique), démontrant ainsi son intégration quotidienne et son rôle central dans le développement des collaborateurs.
« Le feedback doit être un moyen de se faire progresser les uns les autres. S’il ne permet pas de progresser ce n’est pas un feedback » Pierre Monclos
Cependant, malgré ses avantages évidents, le feedback a ses limites, même au sein des start-up. La principale limite réside dans le risque de saturation, où une surabondance de feedback, qui peut conduire à moins de réceptivité, voire à une inhibition de la progression. Une deuxième limite concerne l’efficacité du feedback : s’il ne permet pas réellement de progresser, il perd sa valeur constructive. Enfin, la troisième limite réside dans les feedbacks écrits, qui peuvent manquer d’émotion et d’intention bienveillante, souvent mieux transmises à l’oral.
Le concept de Radical Candor
Le concept de Radical Candor, développé par Kim Scott, trouve sa traduction française dans l’expression « sincérité bienveillante ». C’est une approche adoptée notamment par de nombreuses start-up et scale-up qui aspirent à cultiver un environnement de travail caractérisé par la transparence et la sincérité. Contrairement à certaines entreprises qui opposent l’exigence d’excellence à l’attention personnelle envers les salariés, le concept de Radical Candor vise à concilier ces deux aspects.
Il repose sur le principe selon lequel il est possible de viser un haut niveau d’excellence tout en étant ouvert aux remises en question directes sur son travail. Cette approche articule la franchise dans la communication, en exprimant les choses de manière directe et transparente sur la qualité du travail, tout en faisant preuve d’empathie suffisante pour garantir que l’objectif est de favoriser la progression plutôt que de dénigrer. Ainsi, la Radical Candor offre un équilibre entre la quête de l’excellence et l’attention aux individus, contribuant à créer un environnement de travail où la sincérité est perçue comme un catalyseur positif pour le développement professionnel et le bien-être des employés.
Le futur des RH : l'influence croissante de la technologie d'ici 2030
D’ici à 2030, la technologie jouera un rôle prépondérant dans la réinvention de la gestion des ressources humaines en entreprise. L’intégration de l’intelligence artificielle (IA) a déjà considérablement transformé les pratiques RH, offrant des avantages notables tels que l’automatisation des tâches, l’exploitation des données, et le gain de temps sur des activités chronophages.
Cette évolution a particulièrement bénéficié aux start-up, qui, grâce à l’IA, disposent de puissants outils dès leurs débuts. En revanche, les grandes entreprises peuvent rencontrer des défis, liés aux normes de sécurité, à leur structure plus importante, et à des processus plus longs. Pour les RH des start-up, l’IA devient un allié majeur, utilisé de manière étendue dans des domaines tels que le recrutement, la formation, la gestion des talents, l’expérience collaborateur, l’onboarding, et bien d’autres. Cette transition technologique promet une gestion plus efficiente et personnalisée des ressources humaines, remodelant ainsi le paysage RH vers une approche davantage axée sur les besoins spécifiques des collaborateurs et des entreprises.
La formation au cœur du modèle culturel des start-up
Au cœur de l’écosystème dynamique des start-ups, scale-ups, et licornes, se trouve une caractéristique souvent méconnue : celles-ci sont des entreprises apprenantes qui s’ignorent. L’apprentissage constant est inscrit dans leur ADN, et la formation joue un rôle essentiel dans leur développement.
Le développement des compétences : un modèle ancré dans l'ADN Start-up
Contrairement aux entreprises traditionnelles, les start-up adoptent une approche inversée : elles sont spontanément des entreprises apprenantes sans en avoir toujours conscience. Ces jeunes entreprises intègrent des rituels et des routines de travail qui favorisent l’apprentissage au quotidien, sans formalisme excessif. Mettant à disposition des ressources, comme un catalogue de formation, et un budget dédié, elles encouragent une culture où les salariés apprennent en travaillant et se soutiennent mutuellement.
Cette approche diffère de la norme dans les entreprises classiques, où le développement des compétences est souvent précédé d’un plan formel. Un exemple concret réside dans la perception du feedback en start-up, où l’objectif ultime est la progression, avec une information partagée et une transparence favorisant l’accès à l’information pour tous les membres de l’équipe. Ainsi, le modèle culturel des start-up place résolument le développement des compétences au cœur de leur dynamique, encourageant une croissance continue au sein de l’entreprise et une évolution professionnelle propre à chaque salarié.
La formation : un rôle essentiel et un enjeu majeur pour les start-ups
Pour les start-up, la formation ne se présente pas simplement comme une réponse à l’urgence d’un environnement complexe, elle constitue littéralement la clé de survie de l’entreprise elle-même.
C’est également une question de maintien des équipes. Les start-up évoluent à un rythme effréné, exigeant que les salariés acquièrent rapidement de nouvelles compétences pour rester compétitifs. En effet, 80% des DRH de start-up estiment qu’il est impératif de faire progresser chaque collaborateur très rapidement, en raison de la vitesse à laquelle l’entreprise se développe. De plus, les difficultés de recrutement et le turnover, des défis courants pour les entreprises classiques, sont exacerbés pour les start-up. Ainsi, la formation devient un levier stratégique pour attirer et retenir les talents dans un écosystème concurrentiel où l’apprentissage continu est synonyme de stabilité et de croissance pour les individus et l’entreprise.
Découvrez notre podcast Never Stop Learning
L’écriture de cet article repose sur l’échange entre Pierre Monclos, co-auteur du livre « Quand les start-up, scale-up et licornes réinventent les RH » et Gérard Peccoux, président de Callimedia, durant l’épisode 65 de notre podcast Never Stop Learning.
Si vous souhaitez en savoir plus sur le digital Learning, le rôle de l’IA ou écouter le podcast de Gilles Verrier sur les RH en 2030 rendez-vous sur le site de Callimedia.
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