Recruter sans discriminer : la non-discrimination à l’embauche est-elle une obligation ?
Date de parution
18/05/2022
La frontière entre la liberté de choix dans le recrutement et la discrimination est parfois mince. Qu'est-ce qui est perçu comme une discrimination à l'embauche, quelles sont les obligations de l'employeur, et comment recruter sans discriminer ?
Qu'est-ce que la discrimination à l'embauche ?
Le rapport de l’Observatoire des inégalités a publié en 2023 des chiffres alarmants concernant la discrimination à l’embauche. Ils n’englobent pas tous les critères de discrimination mais les résultats parlent d’eux-mêmes : les candidats qui se présentent avec un nom d’origine française ont 50 % de chances supplémentaires par rapport à un nom d’origine maghrébine, d’être rappelés.
Définition de la discrimination au recrutement
La discrimination, selon sa définition, se caractérise par une différence de traitement, basée sur des critères discriminatoires entre deux personnes dans la même situation. Dans le cas de la discrimination à l’embauche, c’est lorsque des candidats subissent une différence de traitement et voient leur application rejetée en raison de motifs basés, par exemple, sur l’apparence physique, l’état de santé, ou l’identité de genre, sans justifications objectives.
Par exemple, les femmes qui se voient refusées sous prétexte de désirer fonder une famille ou d’être en âge de connaître une grossesse sont victimes de discrimination à l’embauche. Il en va de même pour les candidats recalés en raison de leur profil, qu’il s’agisse de leur religion, de leurs opinions politiques, de leur apparence physique, ou encore de leur couleur de peau.
Qu'est-ce qu'une offre d'emploi discriminatoire ?
La discrimination à l’embauche commence souvent à la lecture du C.V., lorsque certaines informations personnelles telles que le nom, le lieu de résidence et, parfois, la photo, apparaissent. Mais c’est lors d’un entretien de recrutement que les discriminations sont les plus courantes. Cependant, il arrive encore que des offres d’emploi discriminatoires soient publiées. Il s’agit pourtant d’un acte interdit, mais cela arrive lorsqu’un élément discriminatoire est indiqué directement dans l’offre. Par exemple, quand le poste nécessite d’être un homme ou une femme, d’avoir un âge spécifique, ou encore de ne pas présenter d’accent étranger.
Article L 1132-1 : une obligation légale d'après la loi
D’après l’article L 1132-1 du Code du travail, nul ne peut contester la procédure de recrutement par des distinctions fondées sur un des nombreux critères discriminatoires : l’état de santé, le handicap, l’origine, l’âge, le sexe, l’orientation et l’identité sexuelles, la situation familiale, les mœurs, la grossesse, les opinions politiques, l’apparence physique, les convictions religieuses, le lieu de résidence ou de naissance, les activités syndicales ou mutualistes, l’appartenance ou la non-appartenance à une ethnie, une nation ou une race, la situation économique, les caractéristiques génériques, ou la capacité à s’exprimer autrement qu’en français.
Les recruteurs qui opéreraient toute distinction basée sur l’un de ces motifs se verraient punis par la loi. Les candidats écartés peuvent saisir le conseil de prud’hommes pour demander des dommages et intérêts. De plus, la discrimination à l’embauche est passible de 45 000 € d’amende et de 3 ans d’emprisonnement, qu’elle soit voulue ou inconsciente. Toujours selon cet article du Code du travail, toute entreprise dédiée au recrutement ou employant au moins trois cent salariés est tenue de former ses chargés de recrutement à la non-discrimination à l’embauche. Cette obligation doit être renouvelée au moins une fois tous les cinq ans.
Des pistes pour recruter sans discriminer
Le principe de non-discrimination fait référence à l’interdiction d’opérer une différence de traitement entre deux ou plusieurs personnes en raison de critères discriminatoires. En d’autres termes, il s’agit du principe d’égalité, lequel s’avère être à la fois constitutionnel et un droit. Alors, comment l’appliquer ?
Quelles sont les obligations de l'employeur ?
L’employeur doit pouvoir être en mesure de conserver sa liberté de choix final dans le processus de recrutement. Mais sa prise de décision ne doit être motivée que par des arguments objectifs et valides, dépourvus de tout motif discriminatoire. Néanmoins, il a aussi pour obligation légale de respecter certaines mesures, afin de conserver l’égalité des chances. Pour cela, la présélection par le C.V. doit être justifiée par des raisons justes et relatives aux exigences du poste. Par exemple, le recruteur ne doit pas poser de questions indiscrètes sur la vie privée du candidat, notamment si celles-ci ont un lien direct avec certains des motifs discriminatoires. Les informations demandées ne doivent servir qu’à l’évaluation des compétences du candidat.
Proposer une politique de recrutement sans discrimination
Afin d’éviter toute discrimination consciente ou involontaire, l’entreprise peut mettre en place une politique de recrutement sans discrimination. Pour cela, des outils d’aide au recrutement peuvent être employés pour aider à mettre en lumière les capacités d’un candidat tout en aidant le recruteur à poser dessus un regard objectif. La grille de sélection, à titre d’exemple, permet de trier les candidatures avant tout entretien, en se basant sur les critères essentiels que l’entreprise recherche, c’est-à-dire les aptitudes et le parcours professionnel, l’expérience ou les qualifications.
Il est aussi possible de se tourner vers France Travail (anciennement Pôle Emploi), qui propose un système efficace grâce à la Méthode de Recrutement par Simulation. Elle a été mise en œuvre pour aider les recruteurs à déterminer les critères objectifs d’embauche, de manière à les appliquer en situation réelle.
S'appuyer sur le guide du Défenseur des droits
Dans l’idée de respecter le principe de non-discrimination, l’employeur peut aussi profiter des ressources mises à sa disposition. Le Guide pour un recrutement sans discrimination, rédigé par le Défenseur des droits (autorité administrative indépendante dédiée à la défense des droits des individus et à l’égalité entre tous), a été conçu pour soutenir les recruteurs dans leur démarche d’aide à la conduite d’entretien. Il décrit six étapes qui permettent d’améliorer les conditions d’embauche, à savoir recruter librement sans discriminer tout en respectant la vie privée du candidat.
Comment lutter contre les discriminations à l'embauche ?
La lutte contre les discriminations à l’embauche est un levier d’amélioration dans les démarches de recrutements. Plus qu’un slogan, c’est un véritable engagement qui, à terme, apporte autant de bénéfices aux futurs salariés qu’à l’entreprise.
Quels sont les différents moyens de lutte contre les discriminations ?
Afin de lutter efficacement contre les discriminations, notamment à l’embauche, l’employeur peut mettre en place plusieurs mesures efficaces :
- des formations pour les professionnels, afin de recruter sans discriminer et favoriser la diversité et l’inclusion,
- instaurer une politique transparente et stricte contre la discrimination, aussi bien à l’embauche qu’en entreprise,
- parler des conséquences possibles en cas de non-respect de la réglementation,
- revoir les processus de recrutement pour se baser uniquement sur les compétences, l’expérience et les qualifications,
- veiller à l’équité et à l’égalité entre les salariés,
- proposer une communication ouverte afin que chacun se sente en sécurité et en mesure de s’exprimer.
Aussi, les employeurs peuvent instaurer un système de signalement confidentiel ayant pour but de recueillir des témoignages en cas de discrimination. Cette mesure permet de pouvoir réagir de manière appropriée, tout en protégeant les témoins comme les victimes. Enfin, les responsables sont invités à donner l’exemple : que ce soit en luttant contre la discrimination par de grandes ou de petites actions, elles aideront à transformer progressivement les mentalités des individus qui présentent un comportement discriminatoire. À terme, les conséquences sur l’entreprise ne sont pas négligeables : une meilleure image, un respect mutuel entre les salariés et les supérieurs hiérarchiques, un environnement de travail sain qui répond aux critères de QVT (Qualité de Vie au Travail), et une productivité accrue.
Quel critère de sélection n'est pas discriminant dans le cadre d'un recrutement ?
La discrimination à l’embauche n’est pas toujours volontaire, et certains critères peuvent paraître discriminatoires alors qu’ils s’avèrent en réalité indispensables. Il existe des exceptions dans le Code du travail concernant les inégalités de traitement autorisés. C’est le cas des offres d’emploi pour les acteurs, les artistes ou les modèles. Un chargé de recrutement pour un film peut exiger que le rôle soit exclusivement féminin ou masculin. De la même manière qu’un mannequin peut être sélectionné en fonction de son sexe s’il doit représenter des vêtements ou des accessoires genrés.
Les contrats de professionnalisation ou de travail aidés, les formations pour les jeunes, ainsi que les dispositifs mis en place pour les personnes en situation de handicap font également partie des différences de traitement admises. Par exemple, selon la loi, les travaux de nuit sont interdits aux jeunes en dessous d’un certain âge. De la même manière, la loi admet le refus de profils trop âgés, présentant une grossesse ou se trouvant en situation de handicap, si l’activité peut nuire à leur état de santé. Ces mesures ont été prises pour assurer la sécurité et la protection des candidats fragiles face à des métiers dangereux.
Proposer une formation aux recruteurs
La non-discrimination à l’embauche est une obligation selon la loi Égalité et Citoyenneté du 27 janvier 2017. Tous les professionnels du recrutement et les entreprises employant au moins 300 salariés sont tenus de suivre une formation, au moins une fois tous les cinq ans, sur la non-discrimination à l’embauche.
Avec Callimedia, vous pouvez répondre à cette obligation en accédant à notre module de formation e-learning Sensibilisation aux Discriminations : Recruter sans Discriminer. Réalisée par des experts en droit du travail, cette formation propose une approche à la fois théorique et concrète, avec des témoignages, des activités pédagogiques, et des mises en situations. Tous les points sont abordés pour vous permettre de développer des pratiques de recrutement plus inclusives, avec pour objectif de bâtir une équipe diversifiée, laquelle aura des effets bénéfiques sur l’environnement de travail et la productivité de l’entreprise.
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