Comment l’employeur peut-il éviter des cas de harcèlement sexuel ?

Date de parution

06/09/2022

Une femme sur trois déclare avoir déjà été confrontée à au moins une situation de harcèlement sexuel sur son lieu de travail, une sur cinq qui reconnait en avoir été directement victime. Voici les chiffres inquiétants qui résultent de la dernière grande étude sur le sujet mené par l’Institut Français d’Opinion Public (IFOP) en 2018. Si les médias mettent fréquemment en lumière ce problème en relatant des scandales sexuels survenus dans le monde des entreprises, il demeure qu’une grande proportion des faits de harcèlements sexuels et d’agissements sexistes restent sous silence et continuent de se dérouler en toute impunité.

Conséquences du harcèlement sexuel et des agissements sexistes sur l’entreprise

Ces agissements, s’ils ont des conséquences certaines sur les personnes qui en sont victimes, ont des répercussions sur l’entreprise tout entière. Arrêts maladies, turn-over, mal-être des salariés, baisse de la productivité et de la qualité de travail, climat d’insécurité, désinvestissement professionnel, perte de confiance, dégradations des relations entre collègues, démissions soudaines… À terme et si les faits se répètent au sein d’un même établissement, l’entreprise risque, à plus grande échelle, de souffrir d’une mauvaise réputation entrainant une dégradation de son image, des difficultés à recruter, des boycotts clients ; sans compter les litiges et les procédures judiciaires.

Il est donc dans l’intérêt de l’employeur de rester vigilant, de prendre toutes les mesures pour éviter ces situations et, le cas échéant, d’agir le plus vite possible pour y mettre un terme. Car bien qu’il ne sache pas toujours ce qui se déroule dans ses propres locaux, il est de sa responsabilité de protéger ses salariés et de préserver leur santé physique et mentale, comme le prévoit l’article L4121-1 du Code du travail.

Mais justement, quelles sont les obligations de l’employeur en matière de prévention du harcèlement sexuel ? Que dit la loi ?

Avancées du cadre législatif en matière de harcèlement sexuel au travail

Il y a tout juste 10 ans, le 10 juillet 2012, s’opérait une transformation dans le monde du travail : l’adoption par l’Assemblée nationale de la nouvelle loi relative au harcèlement sexuel. Avant cela, il était particulièrement difficile pour une victime de faire reconnaitre son préjudice, tant la définition de ce type d’harcèlement était restrictive et la preuve complexe à apporter. Il fallait en effet prouver que l’harceleur agissait bien « dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle. »

La nouvelle loi a permis l’élargissement de cette définition et considère aujourd’hui comme harcèlement sexuel tout fait consistant à « imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ». L’article 222-33 du Code Pénal prévoit également que le fait « d’user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle » s’apparente à du harcèlement sexuel, même s’il n’a eu lieu qu’une seule et unique fois. Ainsi, en élargissant la définition de ce qui peut être considéré comme du harcèlement sexuel, cette loi a permis une certaine libération de la parole des victimes.

Cependant, les condamnations sont encore peu nombreuses et le harcèlement sexuel, tout comme les agissements sexistes, introduits dans le code du travail par la loi du 17 août 2015 et définis comme « tous les agissements liés au sexe d’une personne ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ». (Art. L. 1142-2-1 du code du travail) sont encore présents et bien trop souvent banalisés dans le monde professionnel. Si l’affaire Weinstein en 2017 a permis de mettre en lumière l’ampleur du phénomène et a favorisé l’émergence de mouvements de libération de la parole, comme #MeToo et #BalanceTonPorc, c’est par la loi du 5 septembre 2018 que le cadre législatif se renforce un peu plus en termes de responsabilité de l’employeur vis-à-vis de la prévention des risques de harcèlement sexuel et d’agissements sexistes sur le lieu de travail.

Obligations de l’employeur en matière de prévention du harcèlement sexuel

Obligation d’information

Ainsi, depuis le 1er janvier 2019, l’employeur doit prendre « toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d’y mettre un terme et de les sanctionner. » (Article L. 1153-5 alinéa 1 du code du travail.) et ce quelle que soit la taille de l’entreprise ou son secteur d’activité. Pour le volet prévention, l’article stipule que tous les salariés, personnes en formation ou en stage, ainsi que tout candidat à un recrutement doit être informé :

  • Du texte de l’article 222-33 du code pénal, qui définit le harcèlement sexuel et présente les sanctions encourues ;
  • Des actions civiles et pénales ouvertes en matière de harcèlement sexuel ;
  • Des coordonnées des autorités et des services compétents en la matière : médecin du travail ou service de santé au travail, inspection du travail, Défenseur des droits, référent (pour les entreprises d’au moins 250 salariés).

Ces informations peuvent être communiquées par tout moyen. Pour les salariés et les stagiaires, par voie d’affichage dans les locaux et/ou sur le site intranet de l’entreprise. Pour les candidats à l’embauche : par voie d’affichage directement sur la porte de la pièce dans laquelle se déroule l’entretien ou bien par l’envoi d’un e-mail avant l’entrevue. Pour les entreprises d’au moins 20 salariés, le règlement intérieur doit également mentionner les dispositions du Code du travail relatives au harcèlement sexuel ainsi qu’aux agissements sexistes. (Article L. 1321-2 du code du travail).

Élaboration d’une procédure interne de signalement et de traitement des faits

L’Accord national interprofessionnel (ANI) du 26 mars 2010 prévoit également que toute entreprise élabore une procédure de signalement et de traitement des faits de harcèlement sexuel sans imposer de contenu obligatoire. Une fois élaborée, la procédure doit être communiquée à tous les salariés. Le guide pratique et juridique rédigé par le Ministère du Travail propose des pistes de réflexion et des recommandations pour aider les employeurs à mettre au point la procédure et propose en annexe un modèle type d’information : il est consultable ici.

Pour les entreprises de 250 salariés et plus : désignation d’un référent

Pour les structures plus importantes, un référent harcèlement doit obligatoirement être désigné. Il est « chargé d’orienter, d’informer et d’accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes. » (Article L. 1153-5-1 du code du travail). Généralement intégré au service des Ressources Humaines, il peut mener des actions de sensibilisation et de formation, orienter les salariés en cas de besoin et mettre en œuvre la procédure interne de signalement et de traitement des faits.

Le respect de ces obligations est-il suffisant pour prévenir le harcèlement sexuel ?

Le respect de ces obligations n’est hélas pas suffisant pour prévenir le harcèlement sexuel. D’ailleurs, si un cas de harcèlement sexuel venait à être dénoncé, le seul respect des obligations légales citées précédemment ne saurait exempter l’entreprise de sa responsabilité. Cette dernière, pour respecter plus largement son obligation de préservation de la santé physique et mentale des salariés, doit chaque année procéder à l’analyse de son niveau de risque professionnel via le DUERP, Document Unique d’Evaluation des Risques Professionnels, qui comporte un volet dédié au harcèlement sexuel et aux agissements sexistes. Elle doit ensuite prendre toutes les mesures de protection nécessaires, de façon adaptée et proportionnelle au niveau de risque identifié.

Voici quelques exemples de mesures à mettre en place au sein de sa structure pour prévenir le harcèlement sexuel et les agissements sexistes.

Instaurer un climat de travail sain et égalitaire

La première des préventions consiste à observer les collaborateurs et leur climat de travail : anticiper pour mieux agir. Le harcèlement commence le plus souvent par de petites réflexions en apparence anodines, par du sexisme bienveillant ou masqué, par des « blagues », plutôt douteuses. Ce que nous pourrions plus simplement appeler : le sexisme ordinaire. En repérant ces comportements et en les stoppant à la source et sans attendre, l’employeur a plus de chances d’éviter l’escalade. Il faut garder à l’esprit que lorsqu’un fait de harcèlement sexuel est dénoncé, c’est bien souvent qu’une ou plusieurs agressions sexuelles ont déjà eu lieu. Un environnement de travail sain et bienveillant, dans lequel aucun comportement irrespectueux n’est toléré sera donc moins propice au développement d’agissements débridés, qui peuvent être favorisés par la dynamique de groupe. Diffuser une culture d’égalité et combattre les stéréotypes de genre est donc l’une des clés de réussite de toute action préventive.

Être attentif aux collaborateurs

Il convient également d’être toujours à l’écoute des collaborateurs et de repérer au plus tôt d’éventuels changements de comportement. Le harcèlement ne doit surtout pas passer inaperçu. Certains signaux doivent alerter : des absences répétées, des arrêts maladies réguliers, une baisse de productivité, une mise en retrait, des comportements d’évitement de la part d’un ou plusieurs salarié(e)s vis-à-vis d’un autre… Il faut sensibiliser l’ensemble de l’entreprise à ouvrir l’œil. Ce n’est pas que du ressort des ressources humaines ou des managers, tout le monde est concerné et tout le monde à un rôle à jouer ! Il est aussi important que les collaborateurs se sentent en confiance pour s’exprimer et sachent vers qui ils peuvent se tourner. Nombreuses sont les victimes qui n’en parlent pas ou qui se confient à des proches extérieurs à la sphère professionnelle. Dans les cas de harcèlement et même d’agression sexuelle, le médecin du travail, la hiérarchie et les ressources humaines sont la plupart du temps les derniers au courant, ce qui a pour effet de retarder le traitement du cas signalé (enquête, sanctions à l’encontre de l’harceleur, accompagnement et protection de la victime…).

De même, il faut lutter contre un stéréotype tenace qui peut masquer des faits : l’harceleur n’est pas forcément le directeur cinquantenaire qui drague lourdement ses subordonnées du sexe féminin. La plupart du temps, il n’y a pas de lien hiérarchique, le harcèlement vient d’un ou d’une collègue du même statut. Si la majorité sont des hommes, dans un tiers des cas, ce sont des femmes qui harcèlent un ou une collègue.

Sensibiliser et former au harcèlement sexuel et agissements sexistes

La sensibilisation au harcèlement sexuel, si elle passe d’abord par de l’information, passe aussi et surtout par de la formation. L’équipe dirigeante doit être formée au sujet mais également l’ensemble des salariés car personne n’est à l’abri d’être victime ou témoin de harcèlement sexuel ou d’agissement sexiste. Il faut que chacun puisse savoir comment réagir et comment se protéger. La formation aux agissements sexistes permet également de prendre du recul sur sa propre attitude et permet d’être plus vigilant face au sexisme ordinaire qui, nous l’avons vu, peut ouvrir la porte à des faits plus graves. Organiser des ateliers de parole, planifier des interventions externes, mettre à disposition des auto-formations et des ressources utiles sur le sujet, envoyer des questionnaires, ou encore inviter les salariés à suivre une formation, présentielle ou à distance. Autant de solutions qui permettent d’éviter ou du moins de réduire les risques au maximum.

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